Les ministres turcs des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Énergie se sont rendus mercredi au Niger pour obtenir l'accès aux riches gisements d'uranium de ce pays d'Afrique de l'Ouest.
La délégation, dirigée par le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan et comprenant le chef des services secrets Ibrahim Kalin, souhaite exploiter les réserves nigériennes de minerai fissile pour alimenter l'industrie nucléaire naissante de la Turquie, selon des personnes proches du dossier qui ont demandé à ne pas être identifiées car elles ne sont pas autorisées à parler aux médias.
Ce voyage intervient après que le gouvernement militaire du Niger a retiré les droits miniers aux entreprises canadiennes et françaises pour développer des gisements d'uranium. Le pays est contrôlé par une junte depuis le coup d'État de juillet 2023, et son président élu, Mohamed Bazoum, est en détention depuis lors.
La Turquie souhaite approvisionner en uranium la centrale d'Akkuyu, sa première centrale nucléaire construite par l'entreprise publique russe Rosatom, et deux autres projets de centrales nucléaires. Le Niger possède environ 5 % des ressources mondiales en uranium et se classe parmi les 10 premières sources de combustible, selon l'Association nucléaire mondiale.
La visite turque intervient alors que la Russie elle-même tente d'acquérir une partie des ressources d'uranium du Niger, Bloomberg La Turquie a également un contrat d'approvisionnement en combustible à long terme avec Rosatom dans le cadre du projet Akkuyu et n'a pas actuellement la capacité de convertir ou d'enrichir le minerai d'uranium en matériau nécessaire aux réacteurs.
Droits miniers
Le Niger a retiré au début du mois à la société canadienne GoviEx Uranium Inc. son permis d'exploitation de la mine d'uranium de Madaouela, après que la junte a déclaré que la société n'avait pas respecté le délai de développement du projet. Le mois dernier, le gouvernement militaire a également révoqué le droit du groupe nucléaire français Orano SA d'exploiter la mine d'Imarouren.
Le Niger, l'un des pays les plus pauvres du monde selon le Fonds monétaire international, affirme qu'il est en droit de révoquer les licences minières en vertu du code minier actuel si le titulaire ne parvient pas à développer le projet.
Le pays soutient le projet de la société canadienne Global Atomic Corp, qui devrait produire 300 000 tonnes de minerai par jour d'ici 2027, selon sa dernière étude de faisabilité.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan cherche depuis longtemps à élargir l'influence de son pays dans les pays africains, en lançant des chaînes de télévision, en vendant des drones et en fournissant des centrales électriques montées sur des navires.
Il a également défendu la décision du Niger de cesser ses exportations d'uranium vers la France, citant les « années d'oppression » du Niger par ce pays européen, qui était une colonie française jusqu'à son indépendance en 1960.
Ankara et Paris se sont affrontés sur un certain nombre de questions ces dernières années, notamment l'exploration énergétique en Méditerranée orientale, la guerre civile en Libye, le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et la position de la France sur le génocide arménien de 1915.
La Turquie tente également depuis des années de persuader la France de coproduire des systèmes de défense antimissile, sans grand succès.